Si la prison est si peu remise en question, c’est parce qu’elle correspond à l'organisation de notre société. La prison permet d'enfermer ceux et celles qui sont sensés avoir rompu une sorte de contrat, un contrat qui oblige tout "citoyen" à respecter certaines choses : ne pas tuer, ne pas voler, etc. Mais cela va beaucoup plus loin. Nous vivons dans une société qui est basée sur le capitalisme et la "démocratie". C'est dans ce contexte actuel que la prison existe, et ces deux caractéristiques de notre monde ont une répercussion directe sur ce qu'est la prison. Le fait que le capitalisme soit une base de notre société va impliquer que la prison protègera le capitalisme puisqu'elle a été inventée par et pour notre système. Le fait que la "démocratie" soit un autre élément organisateur de notre système aura pour effet de renforcer la prison par les fantasmes de tout le monde : protéger politiquement la prison est une obligation électorale. Le monde politique est trop frileux et incapable de remettre une telle institution réellement en question sans quoi les élections suivantes les sanctionneraient. C'est pour cela que notre lutte se situe en dehors de tout mouvement politique.
Tout le monde n'est pas citoyen puisque certains sont enfermés, d'autres arrêtés aux frontières ou encore déchus de leurs droits civiques. Vous êtes citoyen uniquement si vous acceptez les règles du jeu. Si vous les rejetez, vous serez mis à l'écart, que ce soit derrière des barreaux ou derrière un pouvoir d'achat qui ne permette pas de vivre ici et maintenant. Etre citoyen n'est donc pas un droit, c'est un privilège accordé à ceux et celles qui acceptent de vivre comme la société leur demande.
Et la prison est un maillon important dans cette distinction entre ceux qui ont le droit d'être reconnu comme citoyen et ceux qui ne l'ont pas. Un "criminel" se met en dehors des codes de notre société, on l'enferme entre quatre murs. Cette solution d'enfermement est une réponse aux châtiments barbares qui étaient pratiqués avant. Mais bien vite, la prison dépassera son rôle d'enfermement. Sa vocation deviendra rapidement "éducative". D'un coté, la barbarie et l'inutilité de la peine de mort et des châtiments physiques sont mis en avant. D'un autre, la prison deviendra moralisante, normalisante et donc intimement violente pour les détenus. L'ambition, c'est de refaire l'éducation morale et religieuse, d'inculquer la valeur du travail, de réinsérer les détenus en les plaçant dans des entreprises. En bref, le rôle de la prison est d'isoler les "associaux" pour leur faire avaler les bonnes moeurs, les bonnes valeurs.
La prison n’existe pas pour protéger la population de gens dangereux, elle existe pour protéger une organisation de la société qui ne profite qu’à certains. Un patron qui exploite ses employés n’est pas considéré comme un criminel parce qu’il correspond à ce que l’on attend de lui. Par contre, le chômeur qui organise un casse pour avoir de l’argent sera jeté en prison. Pourtant, n’a-t-il pas raison ? Pourquoi faudrait-il accepter que certains s’enrichissent sur le dos des autres ? Dans ce sens, tous les prisonniers sont des prisonniers politiques parce qu’ils subissent les politiques de la société. La prison est contre tout système égalitaire et tant qu’elle existera, il en sera toujours ainsi. Nous pensons donc qu’il est inutile de réformer la prison puisque la réformer reviendrait à affirmer qu'elle est nécessaire à la société.
Il faut la contester, la dénoncer, la combattre.
C'est pour évoluer dans ce sens que nous faisons notre émission et c'est aussi pour cela que nous faisons des distributions devant les prisons car nous ne pouvons pas contester la prison sans ceux et celles qui y vivent, y ont vécu ou la fréquentent de façon indirecte.
Cette émission est ouverte à la participation de tous.
Passe Muraille
Rediffusion
L'émission est rediffusée tous les mardis de 14H00 à 16H00